(dernière mise à jour lundi 25 octobre 2010)
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2. Tour du Mont Blanc cyclo-muletier en 3 jours en septembre 1982
balade du 11 au 13 septembre 1982
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Le tour du Mont-Blanc cyclomuletier.
(récit paru dans la revue Cyclotourisme n° 323 de février 1985)Le tour du Mont-Blanc ou TMB est un grand classique de la randonnée pédestre, il emprunte des sentiers agréables, traverse des paysages splendides et, sans s'éloigner beaucoup des zones habitées, réussit à nous mettre en contact avec la nature sauvage.
Le randonneur pédestre peut effectuer la boucle en cinq ou six jours, mais s'il veut éviter le macadam, il devra passer par le Brévent, par le col Chécroui et par le col Sapin et donc consacrer au minimum huit jours au TMB.
Avec le vélo, on peut s'affranchir de cette contrainte et réaliser le TMB en trois ou quatre jours. En effet, pour le cycliste, un ruban de goudron de vingt kilomètres pour relier deux sentiers d'altitude n'a rien d'une corvée. Il apporte même un peu de variété au muletier intégral tel qu'on peut le pratiquer en Vanoise ou dans les Pyrénées.
Ce qui fait le charme du TMB, c'est qu'on ne s'y ennuie jamais. Le sentier-ou le chemin-parcourt des vallées toutes bien différentes, que dire par exemple de l'extraordinaire contraste entre le Val Ferret suisse, propre, discret, et son homologue italien, insouciant et gouailleur, il longe des glaciers très typés, tantôt imposants, tantôt menus et côtoie des cimes et des aiguilles renommées auxquelles le Mont-Blanc ne parvient pas à donner la moindre uniformité. Ce Mont-Blanc, apocalyptique côté italien et qui semble faire le gros dos côté français.
En plus, on ne s'éloigne jamais des gros bourgs et si l'on a un pépin, qu'il soit d'ordre technique, physique ou météorologique, on peut se replier sur Chamonix, Martigny, Courmayeur ou Bourg-Saint-Maurice.
Philippe Roche et moi avons effectué le TMB les 11, 12 et 13 Septembre derniers. En fait, Philippe ayant cassé son roulement de pédalier à Courmayeur a dû renoncer à mi-parcours et rentrer en France par le tunnel du Mont-Blanc.
Nous disposions d'un document qui s'est révélé très utile, le Topo guide GR/TMB. L' du parcours y est reporté-et annoté-au 1/50000°, ce qui est bien pratique ensembleet peut devenir indispensable par mauvais temps. En plus de la description des sites traversés -faune, flore, constructions humaines-, il y a les refuges, les prises d'eau et la durée présumée pour chaque tronçon. Au demeurant, cette durée est presque toujours surestimée, et pourtant nous n'avons pas été avares de pauses et de photographies.
Un autre truc bien pratique: les conseils que nous avait laissé Christophe Arnold après avoir fait ce même TMB à vélo un mois plus tôt avec quelques collègues. Les pauvres n'avaient pas eu de chance, la pluie et le brouillard continuels les empêchant de voir quoi que ce soit. De plus, ils trimballaient une tente, à prohiber quand on est seul ou à deux puisqu'on trouve toujours à coucher en refuge ou "chez l'habitant". Au passage, il semble préférable d'entreprendre le TMB entre le 10 août et le 10 septembre, c'est la période où il y a statistiquement le moins de neige au sol, surtout dans la Lex Blanche enneigée assez tard.
Samedi 11 septembre 1982
Quant à nous, nous sommes partis du Fayet à dix heures et demies le samedi matin, arrivée du train de Paris et dégustation d'anti-fringales oblige. On cycle sans problème jusqu'à Notre Dame de la Gorge. A cet endroit-là, il y a alors le long du torrent, un passage assez pentu mais il ne faut pas se décourager, ça ne dure qu'un quart d'heure. Ensuite le chemin est très bon, parfois cyclable, et seuls les deux cents derniers mètres d'élévation du col du Bonhomme nécessitent du portage. Il fait très beau et on aperçoit le lac de Roselend au loin. Au refuge T. C. F. de la Croix du Bonhomme, nous laissons les bagages-mais pas les vélos bien sûr- et allons traîner nos roues au vrai col géographique de la Croix du Bonhomme. L'aller et le retour prennent vingt minutes. Il faut plus de temps pour aller et revenir du col de Fours mais il n'y a jamais lieu de porter et la vue d'avion sur la trouée de la Seigne constitue une belle récompense. Au col, mieux vaut ne pas traverser: la descente sur Ville des Glaciers est ardue et le gain serait seulement un gain kilométrique.
Nous descendons donc sur Les Chapieux, c'est pentu mais pas difficile, croisons aux chalets de la Raja un berger de Provence et ses moutons qui terminent leur estive puis rejoignons Ville des Glaciers par la petite route. A noter qu'il faut bien vingt-cinq minutes ensuite pour gagner le refuge des Mottets. Le cadre est sympathique mais au petit matin le paysan n'oubliera pas de nous prendre dix francs pour la nuit.
Dimanche 12 septembre 1982
Le muletage à la dynamo ne nous ayant pas encore totalement convaincus, nous attendons d'y voir un peu clair pour déguerpir et il est déjà 6h40 quand nous quittons le refuge. La montée au col de la Seigne commence par un petit sentier en corniche, puis s'élargit dans la deuxième moitié: on pousse alors aisément, c'est encore plus facile qu'hier.
La descente sur le Val Vény se fait en paliers et nous aurons la chance de trouver la Lex Blanche déneigée, encore que la neige ne soit pas un obstacle en muletier et que la descente des névés en ramasse fasse plus d'un adepte. La deuxième partie de la descente sur Courmayeur est plutôt encaissée, mais comme c'est goudronné à partir du petit lac, ça ne prend pas beaucoup de temps.
Le pédalier de Philippe rend définitivement l'âme et c'est en vain que nous passerons deux heures avec un Italien complaisant à essayer de le réparer.
Je poursuis donc seul à l'assaut du Val Ferret italien. Il fait très beau et nombre de véhicules remontent jusqu'à Arnuva. Sur ma gauche et à contre-jour, les Grandes Jorasses forment autant de cathédrales naturelles. C'est dingue de penser que des gens montent là-haut mais ce qui m'inquiète le plus pendant ces quelques kilomètres, c'est l'échancrure en face dans la montagne, échancrure que je prendrai longtemps pour le col Ferret alors qu'il s'agit du Petit col Ferret, et que le TMB laisse sur sa gauche.
A Arnuva. la route cède la place à un jeepable, peu pentu, mais trop caillouteux pour rouler. Après les chalets de Pré de Bar, il cède à son tour la place à un petit sentier fait tantôt de terre battue, tantôt de cailloux. La vue sur le glacier de Pré de Bar, le plus beau du TMB n'estompe pas la difficulté et, entre 2300m et 2500m d'altitude, la pente et l'étroitesse du sentier obligent à un portage continuel : c'est pour moi la portion la plus dure du TMB. Enfin, dix minutes avant le col, on atteint un plateau et le poussage redevient possible. C'est ici qu'un randonneur m'aborde :
"-Vous faites un tour organisé?
-Non, pourquoi?
-Parce qu'un autre cycliste est déjà passé ici aujourd'hui.
-Ah bon?"
Et en effet, un cycle est passé là ce midi, et les traces de roue par terre et qu'on avait remarquées aussi dans le col de la Seigne sont donc toutes fraîches. Le TMB serait-il une classique?
De ce côté du Grand col Ferret, c'est la Suisse, les alpages sont plus paisibles, d'ailleurs les vaches prolifèrent, le sentier est très bon, et il ne manque pas grand chose pour pouvoir rouler. On cycle à nouveau à partir des Ars et il n'y a plus qu'à se laisser glisser sur quinze kilomètres. L'avantage sur le marcheur est ici manifeste car le GR qui longe lui aussi la Drance est tout aussi encaissé.
A Som-la-Praz. sur les conseils de Christophe, je demande un endroit pour dormir et me retrouve dans un hangar à bois où la nuit sera longue et excellente.
Lundi 13 septembre 1982
La route, ensoleillée, s'élève gentiment à travers les maraîchers et les prairies. A 9h, Champex et son lac sont encore endormis et il me faut patienter quelques minutes devant le Tabac avant de faire provision de cigarettes indiennes.
Depuis Champex. il y a trois possibilités d'itinéraires pour rejoindre le col de Balme:
1) traverser la Fenêtre d'Arpette, mais d'après Michel Perrodin, sa pente, sa longueur et ses cailloux en font le morceau de bravoure du TMB,
2) suivre le sentier de l'Alp de Bovine, mais Christophe, qui y est passé un mois plus tôt a trouvé que c'était le passage le plus éprouvant de son tour,
3) filer par la route sur le col de la Forclaz.
Je choisis donc la 3ème option, descends les gorges de Durnand, complètement désertes, tâte un petit peu des joies de la nationale et tourne à gauche au Brocard pour attaquer l'ancienne route de la Forclaz. Celle-ci love ses lacets pentus mais bien revêtus entre les fermes valaisannes. Quel contraste lorsque ressurgit la grand route trois kilomètres avant le col : 5 % de pente en moins et 500 de voitures en plus.
Vue de la route, la saignée du col de Balme est impressionnante et s'il faut remonter le long de ce torrent, ça ne sera pas de la tarte.
En fait, la montée au col de Balme est assez longue mais bien plus facile qu'on ne se l'imagine vu du bitume. La première partie se fait dans la forêt sur un sentier suffisamment large pour pousser le vélo à ses côtés. Au-delà de 1800m, c'est une haute vallée d'altitude dont le sentier suit gentiment la ligne de pente. Je double alors un des rares groupes de randonneurs rencontrés lors de ces trois jours, je les salue et me dis que la lourdeur de leurs sacs à dos doit être pour quelque chose dans la difficulté de leur progression.
Le côté français est beaucoup plus riant, le Mont-Blanc semble nonchalant et le Dôme du Goûter brille de mille feux. Pour rejoindre le Tour, je passe par le col des Posettes : le chemin est bien meilleur et le coup d'œil sur le barrage d'Emosson superbe.
J'arrive à Chamonix vers 17h et y goûte le calme relatif d'une fin d'après midi d'été. Puis c'est la descente sur le Fayet, via la pittoresque route de Servoz et il n'y a plus qu'à attendre le train de Paris.
Epilogue
Lors d'une balade cyclomuletière, la traversée muletière proprement dite nécessite souvent tellement de portage que l'emploi du vélo n'est réellement justifié que dans le parcours d'approche.
En ce qui concerne le TMB c'est différent, le vélo remplit presque continuellement son rôle, tantôt comme véhicule de la charge et tantôt comme moyen de locomotion.
Que celui que la perspective de cette randonnée allèche n'hésite pas à l'entreprendre, elle lui procurera de belles joies.
Marc LIAUDON. septembre 1982
Annexe de 2010 :
Liste des neuf cols gravis, dont six à plus de 2000m :
(la cotation est celle relevée lors de cette balade, la codification est celle du club des Cent-Cols)
Samedi 11 septembre 1982 :
1 Col du Bonhomme 2329m ; S3-4 (FR-74-2329)
2 Col de la Croix du Bonhomme 2408m ; S3-4 (FR-73-2412b)
3 Col des Fours 2665m ; S3-4 (FR-73-2665)
Dimanche 12 septembre 1982 :
1 Col de la Seigne 2516m ; S2 (FR-73-2516b)
2 Grand col Ferret 2537m ; S3-4 (CH-VS-2537c)
Lundi 13 septembre 1982 :
1 Col de Champex 1498m ; routier (non codifié par le club des Cent Cols)
2 Col de la Forclaz 1528m ; routier (CH-VS-1528)
3 Col de Balme 2191m ; S3-4 (FR-74-2191)
4 Col des Posettes 1997m ; S2 (FR-74-1997a)